Guerre en Ukraine : la Russie peut-elle vraiment tenir dans la durée ?

La question revient sans cesse, sur les plateaux télé comme dans les conversations : la Russie peut-elle vraiment tenir le coup dans cette guerre qui s’éternise ? Deux ans après le début de l’invasion, le front bouge peu, les pertes sont énormes, et pourtant, Moscou continue de produire, de recruter, d’avancer parfois. Alors, mythe ou réalité d’une endurance russe sans limite ?

Une économie sous pression… mais qui encaisse

Franchement, beaucoup d’observateurs avaient parié sur un effondrement rapide. Les sanctions occidentales ? Historiques. Plus de 13 000 mesures économiques en moins d’un an, un isolement financier inédit depuis la Guerre froide. Et pourtant, la Russie n’a pas coulé. Elle s’est adaptée, à sa manière. Les circuits de contournement se sont multipliés, la Chine, l’Inde et la Turquie ont gardé des échanges ouverts. En 2024, le FMI a même estimé que le PIB russe progressait légèrement, autour de 2 à 3 %. Oui, ça surprend.

Mais attention, tout n’est pas rose. Les prix explosent, la main-d’œuvre manque (des centaines de milliers d’hommes sont au front ou partis à l’étranger), et l’État pompe de plus en plus de ressources dans le budget militaire. Selon certaines estimations, près de 40 % du budget fédéral serait aujourd’hui consacré à la défense. C’est colossal. Tenable à court terme, sûrement. Sur dix ans ? Pas sûr du tout.

Un effort militaire gigantesque, mais pas infini

Sur le plan militaire, la Russie montre une capacité d’adaptation impressionnante. Ses usines tournent jour et nuit pour produire des obus, des drones, des blindés. Les effectifs ont été élargis, avec de nouveaux contrats et une propagande intérieure bien rodée. La machine de guerre continue, mais à quel prix ?

Les pertes humaines sont vertigineuses. Certaines estimations occidentales évoquent plus de 300 000 soldats russes tués ou blessés depuis 2022. Et même si Moscou ne communique plus officiellement sur ses pertes, les cimetières militaires s’étendent, visibles jusque dans les petites villes de province. À long terme, cette hémorragie humaine fragilise tout le pays.

Et puis il y a la technologie. Les sanctions ont coupé la Russie de nombreux composants électroniques clés. Résultat : des chars modernisés avec du matériel récupéré, des missiles bricolés, et une dépendance croissante vis-à-vis de l’Iran ou de la Corée du Nord. Ce n’est pas anodin.

Le facteur politique : stabilité ou illusion ?

Sur le plan intérieur, Poutine tient bon. L’appareil politique est verrouillé, les opposants neutralisés, la presse indépendante muselée. L’État a resserré les rangs, et beaucoup de Russes, même fatigués de la guerre, continuent de la tolérer. Pourquoi ? Parce que la peur du chaos est encore plus forte que la lassitude. En Russie, la stabilité — même autoritaire — vaut mieux que le désordre.

Mais derrière cette façade, les fissures existent. Les élites économiques commencent à grincer. Certaines régions, comme le Daghestan ou la Bouriatie, subissent de plein fouet les pertes militaires et la pauvreté. Et si un jour le consensus se brise, ce ne sera pas forcément spectaculaire — ça pourrait venir lentement, de l’intérieur, par usure.

Et du côté ukrainien ?

Parce qu’évidemment, la capacité de la Russie à “tenir” dépend aussi de celle de l’Ukraine à résister. Kiev, soutenue par l’Occident, fait face à une autre forme de fatigue : les aides financières et militaires ne sont plus aussi automatiques qu’avant. Les débats à Washington, Berlin ou Paris montrent que l’élan initial s’essouffle. Et Moscou le sait très bien. Sa stratégie, aujourd’hui, c’est justement d’épuiser l’ennemi — militairement, économiquement et psychologiquement.

Cette guerre de l’usure, la Russie la joue sur le temps long. Elle parie sur l’essoufflement occidental, sur les divisions européennes, sur l’oubli médiatique. Et ça, c’est peut-être sa plus grande force : sa capacité à attendre, à encaisser, à s’enliser sans craquer. Une vieille tradition russe, en somme.

Alors, peut-elle tenir ?

À court terme, oui. Moscou garde des ressources, un appareil d’État solide, et un contrôle social suffisant pour continuer le combat. Mais sur la durée, tout dépendra de deux choses : la capacité de son économie à survivre sous pression, et la patience de sa population. Parce qu’à force de tirer sur la corde, même le système russe finit par se fissurer.

Peut-être que la Russie ne s’effondrera pas. Mais elle risque de s’enliser dans un état d’usure permanente — ni victoire, ni défaite, juste une lente érosion. Et ça, franchement, c’est peut-être le pire scénario de tous.

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